Nos récits
September 21, 2022
Ecotourisme : découvrez la face cachée de l’île Maurice, en immersion dans la Vallée de Ferney
Au-delà de ses plages et transats, l’île Maurice recèle bien d’autres secrets… Des paysages vallonnés sculptant le ciel de leur silhouette, où le vert profond des forêts endémiques et des mangroves rencontre le bleu d’un lagon aux mille histoires. Direction le Sud-Est.
C’est à la découverte d’une nature extraordinairement protégée que nous nous évadons aujourd’hui. Dans un pays connu dans le monde entier pour ses resorts 5 étoiles, nous allons à la rencontre de la terre, des feuilles grasses des arbres endémiques et du cri de la crécerelle. C’est un joyau vert émeraude au cœur du Sud-Est, terre d’histoire et de biodiversité : la Vallée de Ferney.
Terre des premiers pas
Notre voiture fait route vers le Sud-Est et à l’horizon se dessine déjà la montagne du Lion et le lagon de Mahébourg. Descendre vers cette baie qui fut le premier lieu habité de l’île fait voyager mon esprit vers ceux qui, il y a plus de 400 ans, sont arrivés ici par la mer.
Il faut imaginer un groupe de trois bateaux de la fin du XVIe siècle, engagés dans l’une des premières expéditions hollandaises à s’aventurer dans l’océan Indien. Portés par les vents de mousson, ils ont été séparés du reste du convoi en route vers Madagascar et au petit matin, après la tempête, découvrent déposé sur l’horizon comme un miracle, un bijou émeraude au taillé léonin et majestueux. Les récits arabes et portugais relatant l’existence d’une île étaient donc vrais… Alors que les navires traversent les brisants par une brèche qui leur parait être une porte ouverte sur le lagon bleu et calme, ils se retrouvent face à une baie immense, telle un repli de terre protégeant en son sein deux embouchures de rivière. A l’approche de la côte la densité de la végétation prend chair, encadrant la terre rouge de la falaise et s’élevant vers le ciel au gré des reliefs. En mettant pied à terre ils se retrouveraient, comme nous dans quelques minutes, à l’entrée de la Vallée de Ferney.
Terre de biodiversité
Une authentique maison en bois au style colonial marque l’entrée du domaine de la Vallée de Ferney. Ici, nous rencontrons notre guide. Après avoir traversé les jardins magnifiques où elle nous fait remarquer la vanille poussant le long des cocotiers, nous retrouvons devant les ruines de l’usine sucrière le véhicule qui, cahin-caha, nous mènera à l’entrée de la zone de conservation.
Car si la présence hollandaise sur cette île fut brève, elle n’en fut pas moins lourde de conséquences pour la faune et la flore locale, menant notamment à l’extermination du Dodo, entré depuis dans la légende et devenu réel symbole de la finitude des espèces vivantes. C’est symboliquement fort que Ferney, la même région qui vit s’installer les premiers colons et avec eux les premières plantes et animaux invasifs, soit devenue aujourd’hui un havre de paix pour les espèces endémiques menacées. Endémiques, c’est-à-dire des espèces s’étant développées sur ces iles et n’existant nulle part ailleurs sur la planète, une biodiversité à protéger absolument à l’heure des extinctions de masse.
S’aventurer dans la zone de conservation de Ferney, c’est donc en quelques sortes faire un voyage dans le temps. Retrouver l’essence d’une végétation et d’écosystèmes uniques au monde ayant un temps régné sur l’ile Maurice et aujourd’hui chéris car en danger.
Avant de pénétrer la forêt, nous nous arrêtons à la pépinière, antichambre de la réintroduction d’espèces endémiques, laboratoire sans lequel la mission de conservation ne serait pas possible. Sous les toiles de plus en plus opaque, des centaines de plantes passent de la petite pousse à l’arbuste prêt à être mis en terre en forêt. Elles sont choyées par des spécialistes de la végétation endémique, capables de repérer une jeune pousse de bois bœuf, colophane ou tambalacoque parmi des centaines de petits rejetons dans les sous-bois. Elles nous parlent des différentes espèces et je suis très concentrée, impatiente de les repérer dans leur milieu naturel.
L’expérience de la balade en forêt, à la suite de notre guide, nous plonge dans un univers où les écosystèmes sont rois. Alors que nous longeons les sentiers, traversons les rivières et passons la main dans l’eau des petites cascades qui ruissellent entre les arbres, nous découvrons les différentes étapes de recréation d’une forêt indigène. Tout d’abord il faut retirer les espèces invasives et les arbres exotiques faisant trop concurrence aux espèces locales, et mettre en terre les jeunes pousses endémiques. Cette forêt encore jeune doit être entretenue quelques années pour éviter la réapparition d’espèces invasives. C’est avec fierté que notre guide nous fait traverser les zones de conservation les plus anciennes : « vous voyez, ici nous avons une forêt totalement autonome, nous n’intervenons plus du tout. Nous avons planté les grands arbres que vous voyez là il y a une dizaine d’année. Le pari est réussi, regardez comme elle est belle… ».
Terre de saveurs
Avant le déjeuner, nous assistons à un autre repas… Celui d’une Crécerelle de Maurice. Cet oiseau de proie fut à une époque le plus rare du monde, avec seulement 4 spécimens connus dans les forêts Mauriciennes. Le travail de conservation prévenant l’extinction de cette espèce endémique commença pendant les années 1970 dans la Vallée de Ferney, grâce à l’intervention du Durell Wildlife Conservation Trust. La mission fut reprise par le Ferney Conservation Trust au début des années 2000. Grâce à leurs efforts, l’espèce est maintenant hors de danger critique d’extinction et au moins deux populations de Crécerelles, dont celle de Ferney, s’épanouissent dans les forêts mauriciennes.
Un des oisillons nés à Ferney a appris en grandissant à venir se nourrir tous les midis dans les mains d’un guide de la Vallée, permettant aux visiteurs d’observer de près cet oiseau légendaire, devenu il y a peu emblème national. En arc de cercle à quelques mètres du guide, nous le regardons tendre sa main gantée vers le ciel, offrant à l’animal perché dans son nid un morceau de viande. Il l’appelle une première fois mais l’oiseau n’a pas l’air intéressé. Une deuxième fois puis une troisième… a-t-il le trac de se montrer devant notre groupe assemblé en public ? « Peut-être qu’il n’a pas faim aujourd’hui » nous dit le guide. Mais il essaie de nouveau et, miracle, la Crécerelle s’élance hors de l’arbre et descend vers lui, nous offrant la vue magnifique de ses ailes déployées. Le détenteur du déjeuner fait quelques feintes, dérobant à l’oiseau son morceau de viande au dernier moment, mais la Crécerelle ne se décourage pas. Elle semble bien connaître le jeu de son interlocuteur, et finit par avoir son déjeuner.
Avant de reprendre le bus vers le restaurant nous passons devant l’enclos des tortues géantes. Originaires de Rodrigues, elles broutent tranquillement et ce deuxième repas finit de nous ouvrir l’appétit.
Perché en haut de la falaise et offrant à ses clients une vue magique sur la montagne du Lion et le lagon, le restaurant Falaise Rouge est une petite merveille. Notre table au bout de la terrasse nous permet de ne rien manquer du spectacle. Au menu, des plats locaux et des produits sourcés à Ferney et dans les villages alentours, que ce soit pour la viande de cerf et de sanglier ou pour les fruits et légumes. Un régal.
Au dessert, nous avons la chance de voir passer au-dessus du lagon le paille-en-queue, splendide oiseau blanc des montagnes à la traine iconique.
Terre d’aventures
Une fois reposés de notre marche du matin et de notre bon repas, nous repartons. La Vallée de Ferney est loin d’avoir livré tous ses secrets. Parmi les activités proposées, nous avons opté pour un séjour au Ferney Nature Lodge.
Dans un 4×4, nous reprenons la route. Cette fois, ce n’est pas dans la forêt mais à travers les pâturages que les sentiers nous emmènent. Il faut bien s’accrocher parce que ça secoue ! Nous faisons le plein de sensations au cours de cette virée trépidante vers le lodge. Le ciel bleu se découpe sur le relief des montagnes et des collines, et la mer n’est jamais loin, lovée dans un creux ou s’étendant de toute sa largeur pour le plaisir de nos yeux. Les points de vue plus beaux les uns que les autres nous attendent aux tournants.
Soudainement, notre guide et chauffeur ralentit. Que se passe-t-il ? « Chut ». Le doigt tendu vers la lisière de la forêt, il nous fait signe de porter notre regard sur le côté gauche du véhicule. Le spectacle est au rendez-vous. Un groupe de cerfs paît tranquillement sur le flanc de la colline, tout près…
Terre de confort
Après une telle journée, la tête pleine d’images, nous étions heureux de ne pas avoir à reprendre la route, et de savoir que la Vallée nous accueillerait à notre réveil. Le Ferney Nature Lodge se trouve en effet au cœur de ses paysages, un cocon de douceur logé en pleine nature. Nous avons été superbement accueillis et avons pu nous détendre dans la piscine, face à la vue, en attendant que la nuit tombe et que le feu s’allume. Rassemblés autour des flammes, nous avons pu préparer la journée du lendemain, décidés à finir d’explorer ce que le Sud-Est a à offrir.